vendredi 5 juin 2020

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Forêt de L'Isle-Adam, 4 juin 2020. — Aller en forêt, chose somme toute banale. On se promène en profitant de la nature, avec un regard globalisant qui méconnaît l'arrêt sur les détails. Et pourtant...


Avant d'arriver dans le bois ou la forêt de son choix, il faut y aller. Même en zone urbaine, en bordure de route comme ici à Groslay, on peut se réjouir au spectacle de lavandes qui ne sont pourtant pas haut-provençales.

Voyons d'abord les choses en grand (je n'ai pas dit en grandiose). On se laisse charmer par ces empilements de troncs qui semblent posés au hasard sur un écrin de verdure.

On est sensible aussi à la puissante beauté de ces chiens qui gambadent, jouent, se chicanent en se provoquant dans une joie bruyante, mais avec cette retenue qui s'inscrit dans le jeu, quelque branche morte ou quelque morceau d'écorce au milieu des herbes folles sur un chemin qu'elles menacent toujours de reconquérir.

Et puis, sous les frondaisons, des jeux de branches, de lumière et de couleurs. On commence à s'intéresser aux nuances, à leurs variations d'une seconde à l'autre. Le charme, et il ne s'agit pas ici de l'arbre. On peut même aller jusqu'à rêvasser, tout soudain, à l'arbre sans fin d'Hippomène dont Claude Ponti nous raconte avec bonheur (mais un bonheur acidulé, si doucement triste) les initiatiques pérégrinations.

Et puis, tout soudain, on s'arrête devant des fleurs dont on admire les clochettes délicatement parées de violet (des digitales?). Et l'on se plaît, malgré sa nullité historiquement crasse en sciences naturelles, à en observer des détails qu'on fixe sur l'appareil photographique. Pour mieux y voir, car parfois on y voit mieux, en effet, sur un écran qui nous restitue en grand des éléments qui nous ont jusque là échappé. 

C'est le cas de cette toile d'araignée tendue d'une branche à une autre où subsistent les traces, les reliefs des différents repas de cet arthropode qui, ayant huit pattes, ne saurait être confondu avec un insecte quelconque (même la nullité en sciences naturelles a des limites que le vocabulaire vient parfois reculer).

Voilà encore un fragment de rameau moussu, brisé en son extrémité, dont l'œil saillant et un moignon de branche font songer à quelque animal reptilien figé là entre attente et supplication.

On revient vers de minuscules fleurs, déjà sur leur fin (avec le regret, sans doute, d'avoir un appareil bien plus léger et maniable qu'un réflex, mais bien moins précis, surtout à courte distance). Qu'importe ! L'émotion du moment persiste ou renaît avec le souvenir.


On ne sait trop guère à quoi ici on a affaire, mais rien à faire sinon d'admirer cette anarchie organisée qui fait regretter que biscornuité (qui ici serait aussi aimable que surprenante) n'existe pas... ou pas encore. (Comme pour le retour de Malbrough dans la chanson, on le saura hapax ou à la Trinité.)

En attendant, prenons le temps (cette fois ou une autre) de prêter attention aux détails !