vendredi 21 septembre 2018

Ah! ces photos de vacances !

Ah ! ces photos de vacances ! Et les souvenirs, jadis, de ces interminables soirées diapos, où l'on payait chèrement un apéritif dinatoire en devant s'extasier sur cent vues commentées de manière barbante, au cadrage sans intérêt, à l'exposition imparfaite, à l'irritante répétition (Attendez d'avoir vu les cinq autres vues de ma femme sur la terrasse de l'hôtel, et vous jugerez de la splendeur du paysage!).
C
ette pratique sociale a disparu: l'exaltation, non pas de ce que l'on a saisi, mais du fait que soi l'ait saisie a cédé la place aux publications anarchiques sur les réseaux sociaux en privilégiant — cohérence ultime de la démarche — le selfie où le décor ne sert qu'à la mise en scène du moi. Et si, pourtant, on s'efforçait de sortir le genre de la banalité, de l'égoïste égotisme, en redonnant un peu de chair, de vie, de contenu à cette fabrique de souvenirs qui pouvait tenir de la (mauvaise) carte postale ou du narcissisme maquillé en autoportrait? C'est le pari du jour...

Et voilà un chalet de vacances, familial, sous le beau ciel des Alpes-de-Haute-Provence. (On notera le magnifique câble aérien qui ajoute comme un soupçon de magie à l'ensemble.) C'est du banal, avec même, à droite, le barbecue prêt à servir. Hormis ceux que cela concerne directement, l'intérêt est, avouons-le, limité.

Prenons un peu de distance et jouons sur l'écart des teintes entre le massif de fustets (variété de sumac dite encore «arbre à perruques») et le mélange de verts et de bleus. On sort de la banalité d'une bâtisse ordinaire. (Et le disgracieux câble a disparu.)

S
 Scène de la vie ordinaire:
— Tu rentres ou tu ne rentres pas ? se demande la jeune tante ?
— Rentré-je ou ne rentré-je point ? s'interroge l'enfant ?



Voici donc un regard de chat. Ce  n'est pas un chat tintinophile à l'oreille cassée, mais plutôt à l'oreille cachée. Vous noterez que tout bon chat est d'ailleurs dur de la feuille quand il en a décidé ainsi. Le chat, qui est d'ailleurs une chatte, n'est pas persan, mais on sent (si je puis dire) que son regard l'est (oui, perçant). Mais prenons un peu de recul...

Le regard est moins impressionnant, bien sûr, même si, sans conteste, l'effrontée et indépendante demoiselle reste au centre de la scène, avec ce qu'il faut de hauteur dans ce qui est devenu sa tour de guet.

Il faut savoir quitter l'abri et affronter la chaleur. Un mur surmonté d'une barrière qui peut inspirer à l'enfant que nous sommes toujours la représentation d'un château fort. (L'imagination dispose de tout, regrettait Pascal: mais pourquoi donc le regretter?).

Je ne vous dirai pas, bien entendu, que c'est l'extrémité du parking d'une supérette, dans une zone morne, poussiéreuse et, pour tout dire, désolée. L'escalier est l'accès piéton plus sûr que la descente empruntées par voitures ou camions de livraison. Il donne sur la rue et non, hélas! sur l'arrière-cour du château fort. Ainsi sommes-nous trompés par les apparences, comme les châteaux hollywoodiens en carton-pâte. Mais il arrive aux apparences d'être charmantes, et l'on trouve, avec un peu d'imagination, une pépite visuelle dans un coin qui peut paraître désolant quand on le balaie d'un regard ordinaire.

Qui dit vacances dit balade, surtout si vous abhorrez la plage et ses interminables séances de bronzette (retournez à mi-cuisson) parfois entrecoupées d'une baignage (arrosez de temps en temps). Quand vous êtes dans les Alpes (fussent-elles basses, comme on disait jadis), profitez de la montagne (surtout quand c'est une année sans mouches et autres insectes piqueurs). Voilà l'avant-garde de l'héroïque et tenance armée joubarbe qui s'ancre dans les rochers pour mieux avancer et, le moment venu, élève fièrement la tête, plus au moins haut, naturellement, selon l'âge de la pousse. Mais, à joubarbe bien née, la valeur n'attend pas le nombre des années...

Le corps de bataille suit. Il a colonisé la contrée à l'arrière et se dresse, malgré le vent, prêt comme jadis la phalange macédonienne ou la légion romaine, à résister en rangs serrés à tout adversaire.

On finira néanmoins par un essai de photo rapprochée pour lequel l'expression macro serait sans doute exagérée. Mais on est assez content du test, et il ne nous déplaît pas de finir avec une touche de cette poésie naturelle que nous offrent ces étonnantes fleurs de montagne.